A LA LOUPE 10

Roumanie, Ukraine : la Bukovine partagée par l'Histoire.


Dès son apparition au XIIIème siècle, la principauté de Moldavie s'étend du delta du Danube au sud jusqu'en Bukovine au nord. Pendant des siècles, la position centrale et stratégique de la Bukovine excite les convoitises de plusieurs grandes puissances, comme la Pologne ou l'Autriche. Mais au XVIème siècle, c'est l'Empire ottoman qui met la main dessus : la Moldavie, et donc la Bukovine, devient vassale de la Sublime Porte.

Entre 1772 et 1775, profitant des trois partages successifs de la Pologne et de la redéfinition des frontières qui s'en suit, l'Autriche arrache la Bukovine à l'influence turque. La région devient alors le bastion oriental le plus avancé de l'Autriche. De nombreux germanophones viennent s'y installer et l'importante population juive de Czernowitz, la ville principale de Bukovine, adopte progressivement la langue allemande.

Mais l'effondrement de l'Autriche-Hongrie, en 1918, met fin à la domination autrichienne sur la Bukovine. La région repasse à la Moldavie, qui s'est fondue entre-temps dans un ensemble plus vaste, la Roumanie, indépendante depuis 1878. Czernowitz devient Cernauti et conserve sa population mêlée de Juifs (en majorité), de Roumains, de Ruthènes et d'Allemands.

Tout est remis en cause vingt ans plus tard : à la suite du pacte germano-soviétique de 1939, la Roumanie doit céder à l'URSS la moitié nord de la Bukovine, avec Cernauti qui prend le nom de Tchernovtsy. Lorsque Hitler rompt le pacte germano-soviétique et attaque l'URSS en juin 1941, la Roumanie en profite et reprend la Bukovine du Nord qu'elle gardera à nouveau trois ans. Trois années pendant lesquelles les Juifs de Tchernovtsy sont dispersés, déportés et massacrés. En 1944, le retour de l'Armée Rouge entérine la division de la Bukovine : le Nord pour l'URSS, et le Sud pour la Roumanie.

En 1991, la dislocation de l'URSS aboutit à l'indépendance de l'Ukraine qui se retrouve alors de facto héritière de la Bukovine du Nord.